Khalifa El Hadji Mouhamad Niass, la plume d'or

Mame Khalifa Niass

Khalifa El Hadji Mouhamad Niass a commencé à un stade prématuré de sa vie à produire en abondance des poèmes qui sortent de l’ordinaire ; plus tard il a été surnommé la plume d’or du fait de la qualité de ses écrits, son éloquence et sa maitrise tant du sujet traité que du registre de langue usité. Ses contemporains le regardaient comme une encyclopédie tournante des sciences Islamiques et Humaines.
Il fût un écrivain prolixe et produisit un nombre important d’ouvrage en vers et en prose notamment :

  Khatimat al-durar ‘ala uqud al-jawhar fi madh seydil bashar : 
(« La dernière perle du collier précieux en éloge au maitre des humains ») (5095 vers)
  Al kibritil al-akhmar fi madh al qutb al akbar : 
(« Le souffre rouge dans les louanges du plus grand pôle ») (3246 vers) 
  Al-juyush at tulla’ bi murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu : 
(« Les armées d’avant-garde aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant »)
  Mir’atou si’fa fi siraati Nabihil Mustafa : 
(« Miroir de la pureté »)

Voice une liste non exhaustive de ces écrits :

  Tarikhou’l djinane fi madkhi seydi bani adnan’
  naylou’l maram fi madkhi khayri’l aname 
  Mawahibou’l ilahiya fi ghazawati nabawiya
  Al nasikhatou ikhwane hane dahwal wilayati bil bouhtane.
  Miftakhou’l wousouli ila khadrati chaykhina ibni rassouli
  Zakhiratou’l hataya fil woufoudi wa saraya
  Moussamaratou’l fikri fi ziarratou’l khoutbil akbar
  Chifa’ou sadri Fi mane hadara wakhatil badri
  Xala idou’l mardiani fi tibil nabawi rawkhani
  Fawzou souhada fi tawassouli bi chouhada ‘ i
  Bouloughou souli fi madhi rassouli
  Zakhiratou’l mihad fi tadmini banate souhad
  Faydou rabani fi tawassouli bi asmahi nabihil adnani
  Nazmou wassaya a Cheikhy Radiyallahou anhou
  Wachidibadj fi madhi sahibil Mihr’ajj
  Xalissou cha’ada fi tadminil bourda
  Adilatoul moukhnihati ila tarqil mounfihati

Les thèmes qu’il aborde diffèrent, parlant pour la plus part de l’hagiographie du Prophète Mouhamad (psl) son homonyme, apportant des précisions inégalés dans la plupart des parties de sa vie où il y’a polémique ; traitant aussi des hadiths et de l’exégèse du Coran ; du Soufisme en particulier de la connaissance divine (m’arifatou bilahi) et surtout de la guérison des Cœurs par l’amour du Prophète (psl) ; parlant surtout des spécificités de la voie Tidjaniya, ses bienfaits, et faisant le panégyrique de son fondateur Seydi Ahmad Tidjani (ra) ; d’ailleurs il a écrit une remarquable défense de la tarikha.

Etude sur la Poésie d’El hadj Mouhamad :

  Le Miroir de la Pureté

Parmi les écrits qu’il a dédiés à l’Apôtre d’Allah, le plus célèbre est sans conteste le recueil de poèmes intitulé Mira’atou sifa ou « Le miroir de la pureté », l’auteur précise lui-même à la fin du poème qu’il a achevé de l’écrire en l’an 1340 de l’hégire soit en 1922 du calendrier grégorien, édité au Caire en 1925 par Abdallah ibn Abd el-Karim, l’ouvrage comprend 680 vers sur le mètre hâfif, rimant en i (hamziyya). Aussitôt que l’édition paru le Dimanche 14 Février 1925, un maure nommé Ahmed ibn Muhtar el-Alawi, en fit un brillant commentaire. Des poèmes d’éloges complètent ses 310 pages, en tout sept poèmes dont les six ont pour auteurs des maures et le septième est du frère de l’auteur, el hadj-Ibrahima Niass (baye). 
D’après l’éminent professeur Amar Samb dans son œuvre monumentale : Essai sur la contribution du Sénégal à la littérature d’expression arabe : « Le style employé dans l’écriture de ce poème est dense, presque télégraphique et sans le commentaire qui accompagne chaque vers, le profane éprouvera mille difficultés à en décrypter le sens en dépit de la facilité tout de même du vocabulaire usité. »
Certes en la matière, le Poète a eu de grands devanciers aux talents indéniables tels Ka’ab ibn Zubair, Hasan ibn Thabit, et surtout Muhammed El-Busairi, mais il demeure cependant indéniable qu’El hadj Mouhamad Niass a apporté des éléments nouveaux dans l’hagiographie du prophète : avec plus de quinze (15) ouvrages écrites sur la vie du Prophète. Ce n’est pas un mince travail.

Aperçu du Miroir de la Pureté in extrait :

Essai Sur La Contribution Du Sénégal à La Littérature d’expression Arabe
Auteur : Professeur Amar Samb - IFAN/DAKAR
Chapitre VIII : L’Ecole de Kaolack

Voici quelques extraits de sa traduction du poème

1. Pour l’Univers, tu es Beauté et Splendeur.
Au jaillissement de ta lumière s’est dissipée l’obscurité. 
2. Sans toi il n’y aurait pas eu de création.
Sans toi les créatures continueraient à subir la misère.
3. Tu as illuminé l’existence. C’est aux tisons de ton feu que les autres prophètes ont allumé leur flambeau.
4. Tu as accompli des miracles que les plus purs d’entre eux sont incapables de faire.
5. Ils n’ont qu’une faible portion de tes vertus.
Donc ils sont des Etoiles et toi le Soleil.
6. Trésor divin, Source de richesse et de Gloire.
C’est en toi que les Bienheureux viennent puiser leur bonheur.
7. Antichambre divine, tu es l’Esperance.
Tu es le remède qui guérit les maux du cœur.
8. C’est toi qui dissipes nos peines. C’est toi qui nous viens à l’aide quand l’épreuve et la désolation nous frappent.
9. C’est grâce à toi que les Elus de la Droiture sont ce qu’ils sont ; c’est que tu as la faveur du Généreux qui donne à qui il lui plait.
10. C’est toi qu’Adam, avant de s’éteindre, recommanda à son fils Seth en lui disant : « Que les prophètes qui viennent après toi ne choisissent que les femmes les plus chastes pour porter l’une après l’autre la lumière mahomedienne que je te transmets. »
11. Aussi Seth, le dépositaire, naquit-il seul, alors que jusqu’à lui Eve ne donnait naissance qu’à des jumeaux. 
12. C’est ainsi qu’au prophète, que des femmes, se tenant loin de l’adultère et du péché, t’ont porté l’une après l’autre. Elles étaient tout au long de cette chaine qui a abouti à ta mère Amina, des épouses chastes.
13. Elles étaient des perles précieuses, harmonieusement enfilés sur un collier d’honneur, de gloire, de grandeur plus sublime que les Gémeaux !
Ton origine remonte à des hommes qui se prosternent, à des ancêtres purs nobles, et grâce à eux les musulmans sont devenus sublimes. »

Puis le poète rapporte la généalogie du prophète en remontant jusqu’au vingtième aïeul, Adnan par lequel il arrête la liste à cause de cette recommandation prudente faite par Mahomet lui-même : « N’allez pas au-delà de Adnan dans ma généalogie. »
Ensuite le poète raconte les signes précurseurs de sa naissance. 
85. « C’est un Lundi douze du moi de rabi’I que la lumière a dissipé les ténèbres
86. Le nouveau-né, les autres doigts pliés, dirigea l’index de la main droite vers le haut : preuve de sa sublimité. 
87. Les astres émirent une clarté telle que toute la terre fut éclairé pour ceux qui pouvaient voir.
88. Le feu sacré, allumé depuis plus de mille ans, s’éteignit (malgré les efforts des adorateurs persans) et l’eau (du lac Saoua) se dessécha (subitement).
89. Le (devin) Mubidan vit en songe (des chameaux chevauchant) des pur-sang arabes, drapeau au vent traverser le Tigre.
91. On plaça sur lui une écuelle qui se pulvérisa. Est-ce que le Soleil accepte un couvercle ?
92. Pour célébrer cette naissance, les portes du Paradis furent ouvertes, une salve d’ovations salua (la venue) du porteur de bonnes nouvelles. »

Mame Khalifa rapporta par la suite d’autres prodiges qui étonnèrent le monde d’alors : la chute du trône de Satan, la chasse donnée aux démons qui allaient auparavant écouter les secrets, surprendre les prévisions dans les cieux, la terre mekkoise qui se couvrit d’un coup de verdure après une longue disette, toutes les idoles qui se trouvèrent la tête honteusement courbée sur la poitrine, le séisme qui ébranla le palais Chosroês Anochirwan et qui renversa quatorze de ses tours, etc.

103. Le cordon ombilical du (divin enfant) avait été coupé. L’enfant avait été aussi proprement circoncis, avec des yeux aux paupières enduites de noir. 
113. C’est à lui que la pleine lune a emprunté sa clarté et c’est de lui que vient la bonne odeur qu’exhale le musc. »

Puis le séjour miraculeux du prophète chez sa nourrice Halima fille d’Abu D’uaïb, la mort de sa mère Amina alors qu’il n’avait que cinq ans, la tutelle de son Grand-père Abdul Mutallib et de son Oncle Abu Talib, les voyages en Syrie et la rencontre prémonitoire avec le moine Buhaïra (Georges), ses mariages etc., jusqu’à son inhumation à Médine.

668. « On creusa sa tombe surmontée de neuf briques. Ah ! Quel beau mausolée !
669. Ces briques ont été posées sur sa tombe par Qutam ibn el-Abbas, le dernier à l’avoir vu.
670. C’est Bilal le dévoué qui versa de l’eau contenue dans un seau en cuir sur cette noble tombe.
671. Seigneur accorde la bénédiction et la paix (au prophète) tant que la lumière dissipera les ténèbres. 
672. Seigneur accorde la bénédiction et la paix (au prophète) tant que se fera entendre le roucoulement d’une colombe !
676. Ce poème, beau comme un Soleil qui se lève pour chasser les ténèbres, je l’ai composé en l’an 1340 H (= 1922). 
678. Vous qui descendez de l’Apôtre de Dieu ! Vous aimer est une prescription obligatoire mentionnée même dans le coran. 
680. Il vous suffit comme un grand prestige que quiconque néglige de se mettre en rapport avec vous perd tout.

  Le Juyush at Tulla

(Disponible en Téléchargement dans la Bibliothèque)

Le Monde était en proie à la crise de 1929 et en même temps, La nouvelle d’un livre « Mustaha al-kharifil al-jani fi radd zalaqat al-Tijani », qui remettait en cause les fondements de la tarikha Tijâniyya, faisait l’effet d’une bombe et circulait comme une trainée de poudre dans tout le pays, passant de bouche à oreille, partout on redoutait la terrible missive de l’auteur égyptien khidr Ibn Mayaba. Dans son contenu l’auteur discutait de sujets comme la révélation de la salat fatihi, sa rétribution, ses bienfaits et d’autres sujets(…) stipulant qu’il voulait avoir des réponses claires seulement basée sur le Coran ou la Sounna.
Se sentant offensé au-delà même de son amour propre et celui qu’il vouait à khutb al Khatm Cheikh Tidjani, Khalifa Mouhamad décida de rédiger une réfutation ; pendant tout le temps qu’il l’écrivait, l’ouvrage restait dans le débarras de sa maison par mépris pour les propos tenu par l’auteur et il ne le sortait que pour le lire et formuler une critique en règle. Ainsi il commença la rédaction d’un de ces œuvres majeures : Al-juyush at tulla’ bi murfahat al-qutta ila Ibn Mayaba akhi al-tanattu (« les armées d’avant-garde aux sabres tranchants à l’assaut de Ibn Mayaba l’arrogant »). Selon le Dr. Ousmane Kane : « L’intérêt principale du juyush al tulla est qu’il permet de s’informer sur le débat doctrinale entre les critiques dirigées contre la tijaniyya et les réfutations de ces critiques par les Tijanis eux-mêmes… ».
Sous la forme d’un poème constitué de 399 vers, construit sur le mètre arabe de rajaz et 42 vers empruntés à différents auteurs qu’il conçu la réplique. L’auteur cite, tout au long de sa démonstration 36 auteurs différents afin d’enraciner sa réplique dans la tradition la plus orthodoxe.
La première version a été publié avec le poème « brute » sans explication, le style employé rendait difficile la compréhension, plus tard la version finale comprenant les explications « saar’ha » sera publié en 1955.

« Le pauvre serviteur kaolackois du nom de Mohammad,
Fils de Abdallah exhortant la gnose divine acquise
En défi de toute civilisation blanche et de la diaspora noire
Ne proclamant que les bienfaits de son Seigneur au détriment de tout révolté
Que paix et salut soient sur le prophète et sa famille, gens de haute autorité permise
Les honorer est un fondement en l’islam et les désavouer est signe de mécréance précise
Un perdant avait commencé à insulter l’imam des élus, le préféré par excellence
J’ai tiré de ma propre sensibilité l’épée indienne ancrée et empoisonnée de substance
En position de me sanctifier à tout combat de science
À l’encontre de tout révolté affamé de pitance
Louange à Allah qui a illuminé la lumière de l’essence au cœur de tout guidé disposant d’audience... »

Aperçu du Juyush at Tulla in extrait :

Dr Ousmane Kane 
Columbia University, New York, U.S
"Muhammad Niasse (1881-1956) et sa réplique contre le 
Pamphlet anti-tijani de Ibn Mayaba," in Jean-Louis Triaud et David 
Robinson (eds.) La Tijaniyya : une confrérie musulmane à 
la conquête de l’Afrique. Paris : Karthala, 2000. pp. 219-36

Sur l’incorrection linguistique prêtée à certains termes de la 
Jawharat al kamal

S’agissant de la salat al fatihi, celle-ci est critiquée sur la base de prétentions de la rétribution de sa récitation, mais pas à un point de vue linguistique. En revanche, il est autre prière Tidjani, dite Jawharat al kamal (perle de perfection) qui est récitée dans le cadre du rituel de la wazifa.

« Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde le salut à la source de la Miséricorde
Divine et au diamant étincelant versé indéfiniment dans la vérité. Celui qui est
Au centre de toutes formes de compréhensions et de significations.
Il est la lumière des êtres en cours de formation humaine, il possède la Vérité Divine tel
L’éclair immense traversant les nuages précurseurs de la pluie bienfaisante des
Miséricordes Divines, qui emplissent sur leur chemin aussi bien les grandes
Étendues d’eau que les petites.
Il est Ta lumière brillante qui s’étend sur toute l’existence et l’englobe dans tous
Ses lieux.
Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde le salut à la source de la Vérité qui est à
L’origine des connaissances les plus justes, tel ton sentier parfaitement droit
Par lequel se manifestent les majestueuses Réalités.
Ô mon Dieu, répands tes grâces et accorde ton salut à la manifestation de la Vérité par
La Vérité, au trésor le plus sublime, au flux venant de toi et retournant vers toi, et à la quintessence des lumières dissimulées à toute connaissance.
Que Dieu répande ses grâces sur lui et sur sa famille, grâces par lesquelles, Ô mon Dieu,
Tu nous le feras connaître. »

Cette prière dite de la perle de la perfection contient deux expressions dont les détracteurs de la Tijanniya ont depuis longtemps critiqué la correction linguistique. Le premier terme est celui de asqam et le second, celui de mutalsam. Le premier qualifie la voie que le Prophète Muhammad PSL a tracée pour les musulmans. De nombreux détracteurs de la Tijanniya y ont vu l’élatif construit sur le schème af’al de l’adjectif saqim qui renvoie à l’idée de débilité. Ils en déduisent que c’est faire offense au Prophète que de traiter sa voie d’être la plus débile. Quant au deuxième terme, mutalsam, Ibn Mayaba conteste qu’il soit un mot arabe.
Sur le premier terme, Muhammad Niass réplique qu’Ibn Mayaba ne connaît pas suffisamment la grammaire arabe. La connaîtrait-il qu’il saurait que l’élatif sur le schème af’al peut être construit sur une racine trilitère nue, comme il peut être construit à partir d’une forme dérivée. Donc l’adjectif asqam n’est pas le superlatif de saqim (débile), mais celui de mustaqim (droit), donc il exprime l’idée de « plus droit ». Pour corroborer son argument, il cite le tashil d’Ibn Malik dans lequel l’auteur cite des cas attestés en arabe classique d’élatif construit sur le schème de af’al à partir des formes dérivées.
Quant à mutalsam, Muhammad Niass répond à Ibn Mayaba que la langue arabe des racines quadrilatères, à partir desquelles sont construits des principes passifs et actifs. Il cite à ce propos le Taj al a’rus wa qam al nufus, de Muhammad ibn ata Allah al Iksandari, qui atteste de l’arabité des racines quadrilatères, ainsi que de la possiblité de les attester à des formes dérivées.

L’armée d’éclaireurs connût un succès retentissant à sa publication et traversât très vite de nombreuses frontières, de partout, il recevait des lettres de différents Ulémas de plusieurs pays, le gratifiant, le félicitant de sa défense illustre de la Noble Tarikha Tijâniyya et même le Qadi Sukayrij lui adressa des écrits en hommage. A partir de cette date il fût surnommé : l’avocat, défenseur de la tarikha Tidjani
Surnom qu’il a toujours honoré en défendant la tarikha sur beaucoup d’autres fronts avec notamment Mamadou Diallo du fouta qui adressait lui aussi des critiques sur la voie et aussi un arabe originaire de la ville de Marrakech.

C’est en 2005 qu’il a été nommé meilleur écrivain en langue arabe du siècle par un Comité reconnu et agrée par le roi du Maroc Mouhamad VI, qui leur avait demandé de voir dans les écrits de tous les poètes arabe comme de l’Afrique noire, la plus belle plume ; au terme de leur investigation il s’est avéré qu’aucun auteur n’égale les talents de Khalifa Niass, illimités et sans commune mesure. De même que la BBC (british broadcasting company) section arabe qui le classe avec Muhammad Bussairi et Ahmad Shawqi comme étant les trois plus grands poètes panégyriques de tous les temps. Son érudition est donc reconnue de tous à l’échelle mondiale et ses talents de poètes font de lui un Shakespeare de la langue arabe.

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Idrissa Dioum

Travaux de Recherche et de Documentation du CEVOK – http://www.nayloulmaram.com

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